Angle d’analyse
Quand on analyse un film, le but est de comprendre le message de l’auteur. Le message se résume à l’auteur qui nous transmet sa vision de la meilleure manière de vivre dans une situation. Chaque genre va travailler un thème en particulier.
Structure
Amadeus fait partie du genre Mémoire, qui englobe les histoires vraies, les biopics, le coming of age, etc. En général, la structure se base sur un narrateur qui raconte sa vie. Cette structure permet deux choses :
- Se déplacer temporellement dans la vie du personnage librement pour créer un maximum d’intensité narrative. La vie des gens n’est souvent pas construite comme un film et donc moins intense.
- L’histoire commence souvent dans le présent où le personnage doit faire un choix extrêmement important. Le fait de raconter sa vie lui permet de tirer des leçons qui lui permettront, dans le présent, de prendre la bonne décision.
En règle générale, juste avant le climax, le personnage doit faire un choix moral pour lequel il doit faire un sacrifice. Ce processus donne au spectateur un sentiment de but et d’urgence, qui soutient la narration, même lorsque l’on s’égare dans des moments de vie.
Thématiquement, le but est de permettre au personnage de tirer une leçon de sa vie pour à l’avenir vivre mieux, et ainsi montrer au spectateur la meilleure façon de vivre. Le thème est donc souvent, dans le genre du Mémoire : comment vivre la meilleure version de sa vie. Chaque épisode dans la vie du personnage est une variation et une progression autour d’un même thème : celui qui empêche le personnage d’atteindre son plein potentiel ou d’être heureux.
Thème
Le thème selon Milos Forman
Milos Forman nous parle de ce que c’est qu’être un artiste. Il nous présente deux artistes, Mozart et Salieri, qui ont deux approches radicalement opposées de l’art, et tous deux vont mal finir. Il semble nous dire qu’il existe chez l’artiste deux tendances opposées qu’il faudrait réussir à unifier ; sinon, les deux chemins sont destructeurs.
- D’un côté, Mozart représente la passion pure qui s’exprime à chaque instant de sa vie mais qui le consume.
- De l’autre, Salieri ne cherche qu’à se placer aux yeux des autres en délaissant la vraie nature de son art, ce qui l’amène à en être trop détaché.
Il faudrait savoir naviguer entre les deux.
Pour comprendre le thème, je m’aide toujours de la structure narrative qui oriente le parcours du personnage.
Parcours
Le parcours de Mozart et de Salieri
Rappel rapide sur la véracité historique
Amadeus n’est pas un film historiquement exact. Il y a des aspects véridiques, mais il ne faut absolument pas regarder le film pour cela. Même s’il s’inspire de la vie de ses deux auteurs, il utilise cette base pour raconter une autre histoire et faire passer son message.
Salieri aurait bien dit avoir tué Mozart dans ses dernières années, mais il était dément à l’époque et relatait probablement de fausses théories que des rumeurs ont propagées. En réalité, Salieri et Mozart se respectaient et Salieri, compositeur reconnu, n’était probablement pas jaloux de Mozart.
Analyse séquentielle
Salieri
- Désir : être aimé de Dieu
- Besoin : se laisser tranquille et accepter qui il est
00:00 - 10:00 : Tentative de suicide
- On comprend que Salieri est hanté par Mozart, toujours écouté, alors que lui est oublié.
- Dialogue avec le prêtre : Salieri veut être reconnu. Il demande s’il sait qui il est ; le prêtre répond que tous les hommes sont égaux devant Dieu. Salieri tique, persuadé que Dieu a choisi Mozart et non lui. (Amadeus signifie «aimé de Dieu».)
10:00 – 14:19 : Enfance de Mozart et Salieri
- Comparaison entre les deux : Mozart se bande les yeux pour jouer au piano. Salieri l’imite enfantinement, révélant le décalage entre eux.
- Salieri dévoile son désir de gloire divine à travers sa musique.
- Les figures paternelles sont importantes.
- Salieri interprète la mort de son père comme un acte de Dieu pour le libérer, présumant comprendre la volonté divine.
14:21 – 22:25 : Présentation de Mozart adulte
- Salieri est attiré par les gourmandises (substitut à ses pulsions sexuelles réprimées).
- Il découvre Mozart : enfantin, vulgaire, joueur.
- Mozart, face au cardinal, refuse de se compromettre et accepte de se faire renvoyer. Ce n’est pas de l’orgueil mais une juste estime de soi.
22:56 : Élément déclencheur
- Salieri découvre que le talent de Mozart est une grâce divine. Sa jalousie naît.
23:52 – 26:06 : Les commissions
- Les décideurs n’ont pas d’avis personnel et suivent leurs intérêts.
- Salieri aurait pu écarter Mozart mais reste fasciné, cherchant à s’assurer que Dieu l’a vraiment choisi.
26:14 – 27:19
- Salieri compose difficilement et remercie Dieu pour chaque note.
- Mozart, joueur, essaye des perruques. Il veut tout ce qu’il trouve beau, comme un enfant voulant tout manifester.
27:59
- Salieri est tiraillé entre son désir de plaire à l’empereur et celui de faire de l’art.
- Mozart impressionne par son talent, exacerbant l’envie de Salieri.
31:15 – 36:38
- Jeux sur les révérences : difficulté de Mozart à intégrer les codes sociaux.
- Dans le débat sur la langue, Mozart ne s’intéresse qu’au fond : la forme est un simple outil.
37:00 – 47:00
- La scène est du point de vue de Salieri ; on peut penser qu’il imagine la liaison entre Mozart et la chanteuse.
- Mozart ne supporte pas les critiques : il croit à la perfection de son travail.
- L’empereur reprend des critiques entendues ailleurs, incapable de justifier son jugement.
49:00 – 58:00
- Salieri manipule le système pour nuire à Mozart, qui, lui, refuse les règles qu’il méprise.
- Sa femme tente de compenser ce manque de pragmatisme.
1:43 – 1:09 : Le double visage du père
- Chaque homme a deux aspects : sérieux et joueur.
- Le père représente la face sérieuse que Mozart n’a pas su intégrer.
- Mozart travaille dur, mais uniquement sur ce qui le passionne.
- Clin d’œil à la transmission du génie avec le jeune Beethoven.
1:09 – 1:12 : Dispute domestique
- Mozart s’évade par l’art, s’inspirant du conflit pour créer.
- La musique est son prisme de vie.
- Les Noces de Figaro en fond sonore : thème du pardon.
1:12 – 2:15
- Pas de commentaire.
2:15 – 2:31 : Révélation ratée de Salieri
- Il participe à la création divine, mais son envie l’empêche d’en profiter pleinement.
Conclusion
Salieri rate sa révélation personnelle. Grâce à Mozart, il participe à une œuvre touchée par Dieu mais cela ne lui suffit pas. Son envie reprend le dessus. On peut interpréter Salieri comme celui qui voudrait être l’égal de Dieu, s’autorisant à interpréter la volonté divine au lieu de l’accepter. À la fin, il préfère l’asile à la dure réalité, car il s’y sent tout-puissant, bénissant les autres fous comme un Dieu des médiocres.